les fleurs chrysalide
Rose la vie
Toiles sur châssis - Incrustation de branchages de roser peintes et objets intimes. Dimension : 20cmX20cm.
peinture sur toiles tendu sur tambours de broderie. 15cm de diamètre. création 2019
Toile sur châssis - Dimensions : 100cm X 100cm - Techniques mixtes - Incrustations de motifs brodés.
LES AMES ERRANTES DE JAMAL LANSARI
Devenus simples témoins dans l'œuvre de Jamal Lansari, "les oiseaux de la liberté" se posent à présent sur le fil de l'existence, là, sagement, sans faire de bruit. Ils observent non plus notre civilisation moderne et ses avatars mais se penchent sur les fondements instinctifs de l'Homme, la force de son esprit et de son âme, son appétit moteur à s'adapter au milieu tout en s'adaptant le milieu, là où coexistent la résilience humaine avec le souffle universel d’une Nature aux lois insensible et imperturbable, que seuls l'apprivoisement et la patience peuvent amadouer. Là, sur ce territoire nomade silencieux séparant les cieux de la terre par un horizon illusoire, bordé de frontières invisibles à l'œil nu, constellé de miroirs distillés en poussières d'astres et de roches imperturbables, règnent "les âmes errantes", dernières compositions de Jamal Lansari.
Le plasticien oriente ainsi ses nouvelles recherches plastiques vers la contrée orientale du Tchad. Son voyage le transporte alors à travers l'immensité désertique de feu et de pierres sculptées par les rouages du Temps. Il va se fondre au décor du plateau de l'Ennedi et composer des œuvres accordées aux gémissements des vents nocturnes, galvanisées par les méandres des dunes et des mirages que réveille dès l'aube le soleil ardent, articulées par les humeurs d'un sol mouvant aux couleurs des premières ethnies. A présent, les ocres et les rouges argileux prédominent et se déclinent sur le support de l'œuvre, telle l'aurore d'un monde en devenir qui attend l'heure de la prière pour s'incarner. Le caractère sacré de l'esprit du Monde – ou "spirits mundi"- est le point d'ancrage de ce travail pictural, et son impulsion. Sa symbolique est une incantation aux "âmes errantes" apparaissant parfois, telles de fugaces silhouettes évanescentes, au milieu de nulle part, se dirigeant d'un pas altier vers une destination inconnue, puis, s'effaçant en laissant derrière elles une impression parfumée de mystère au chœur de cet univers atemporel, façonné de pigments bruts et de reliefs labyrinthiques.
La Nature enveloppe ces corps errants dans une étreinte fusionnelle, laissant planer l'esprit au-dessus, voire au-delà, de la matière du monde tangible, comme une méditation profonde résonant avec la vacuité de l'éther, face à l'immensité d'un désert où le sable et la pierre s'entremêlent dans le murmure des légendes sahariennes.
Jamal Lansari rapporte aujourd'hui un morceau de cette terre aux rayonnements solaires sacrés, tapissée de roches archaïques modelées par le Temps et les forces élémentaires; s'imposant, telles des cariatides protectrices, au milieu d'un océan de sable aux vagues inconstantes. Les "âmes errantes" quittent alors leur nomadisme pour exister sur la toile imprégnée de ce voyage intérieur, comme un sutra coranique qui ne se récite pas mais se contemple et s'exprime par les tonalités, les vallons et reliefs informels que l'artiste fait jaillir, telle une présence divine, de ses brosses et de ses pinceaux. Le geste semble parfois hasardeux, jeté en volutes, en arabesques, et en spirales qui courbent le tracé comme s'il courbait le Temps lui-même, le figeant dans un espace éternel absolu...juste pour un Instant..
Jamal Lansari révèle dans cette dernière série la voie authentique du "spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier", comme aimait à l'exprimer Wassily Kandinsky; et cette voie est un chant sacré du désert, accordé aux battements de cœur de l'Univers...
Virginie Gauthier, 2018
Toile sur châssis - Dimensions : 100cm X 100cm - Techniques mixtes - Reliefs : tètes de statuette et grillage.
Instants d’éternité
Figures de l’invisible
C’est dans la palette que lui offrent les marées du désert que l’artiste, Jamal Lansari, va puiser. Dans ce déluge iridescent qui frémit sous les symphonies éoliennes, là où palpite une vie cristallines, exigeantes et impérieuses.
Non loin de la Guelta d’Archei[1], dans l’orange et le pourpre du jour naissant, le vent arrache aux crêtes des dunes une scintillante traînée poudreuse, mêlée d’ocre et de roux. Le désert vous prend alors dans la magie de son éveil diurne, offrant au marcheur ses géométries élégantes et les multiples traces d’un peuple d’insectes et de reptiles comme un parchemin à jamais renouvelé.
Le désert est un bonheur violent où se croisent l’éphémère et l’éternel, le vibrato intense des couleurs et de la lumière, le chant du monde dans son insaisissable fugue.
Avant de devenir démiurge, architecte du fragile et de l’invisible, l’artiste est à l’écoute du regard, géomancien de l’enfoui et du sacré, interprète de l’infiguré, guetteur d’apparitions.
Il entend les messages du vent qui galope comme un cheval fou entre Tibesti et Ennedi,[2] se penche sur notre présent comme on ausculterait une respiration de l’inquiétude, dévoile des galaxies inconnues, nous fait entrer dans la marée d’un outre-monde.
Les peintures de Jamal Lansari témoignent de ces instants d’éternité. Elles disent le silence et les envoûtantes mélodies des chants des pistes, la relation à l’invisible, la mystique d’une permanence presque indécelablea, dans sa fragilité et sa plénitude. Elles nous invitent à désapprendre le réel, entrer dans la haute mer de l’oubli, loin des échos du connu.
Ce sont des images qui révèlent la présence d’un insaisissable, le témoignage d’une traversée, la captation d’un maintenant mémoriel, l’instant subliminal entre le perceptible et l’obscur, entre l’ordre et le chaos. On y décèle des éclats de bleu, des ombres fugaces, des silhouettes indistinctes, quand l’art pariétal racontait le passage de ceux d’avant les Toubous[3].
Nous ne savons rien de l’apparition quand l’apparition nous éblouit. Pourtant, l’œil ne se perd jamais. Il parcourt la ligne de fuite d’un horizon qui rêve d’échappées célestes dans ce territoire austère des errances.
Il se peut que l’on y perçoive la pulsation du désert, quand le cœur bat la mesure dans cette douceur brûlante des ombres bleues.
C’est alors que se révèle l’oublié de nos mémoires, l’expérience mystique, l’interrogation si fertile que nous offre l’œil du peintre.
Demay
[1] Centre du plateau de l’Ennedi, au Nord-est du Tchad. Elle abrite l’une des dernières colonies de crocodiles du Nil.
[2] Le Tibesti est l’une des 23 régions du Tchad. Région montagneuse aux paysages spectaculaires, le massif offre un paysage exceptionnel. L’Ennedi est une succession de massifs de grès. Il constitue l’une des plus grands collections d’art rupestre. Habité par des chasseurs cueilleurs dès 5000 avant JC.
[3] Les Toubous pratiquent le pastoralisme et le nomadisme dans le Sahara central, du Nord du Tchad au sud de la Lybie et au Nord-est du Niger.