L'atelier du plasticien est plein d'objets en attente qui un jour lui ont fait signe et qu'il a pu acquérir lors d'un troc ou contre de l'argent, très loin ou tout près de chez lui. Quand ce n'est pas, tout bonnement, le cadeau d'un ami, auquel il a voulu donner, usant de sa liberté de "propriétaire", une autre destinée. Tous ces "objets trouvés" restent parfois des années, comme hibernant dans des boîtes ou des tiroirs, pas morts le moins du monde, mais gardant leur potentialité d'évolution, leur puissance de vie comme la graine qu'on croit inerte et qui est promesse de forêts. D'ailleurs, dans le bric-à-brac de l'artiste, il y a aussi des graines ; c'est là peut-être la meilleure image, en tout cas la plus juste, pour rendre compte de l'objet stocké, toujours promesse d'œuvres. Lorsqu'il voyage, Jamal Lansari se met à l'écoute des lieux qu'il traverse, guettant les signes ou les "confuses paroles" qui émanent des objets qu'il "croise" chez ses hôtes ou sur les marchés - paroles indéchiffrables pour ceux qui l'accompagnent ou l'accueillent. Il y a aussi tout ce que la nature lui livre : pierres roulées par le fleuve, bois flottés… A vrai dire, il ne guette même pas. Les objets "s'imposent à lui", comme il le dit volontiers, dans un message informulé que lui seul, devenu médium, perçoit. Il "sait" et il acquiert ou récolte, sûr qu'il leur donnera une nouvelle vie, ailleurs, quitte à transformer l'objet et à faire disparaître totalement le lien qui l'unissait à une existence profane ou sacrée. C'est une des raisons pour lesquelles l'art de Lansari est finalement plus allusif qu'anecdotique.